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Prostitution et commerce du sexe en discussion au Luxembourg

[Luxembourg, 13 janvier 2016] C’est une salle comble qui est venue assister à la conférence « Prostitution et commerce du sexe : de la réalité à l’action » ce mercredi 13 janvier au Luxembourg. Organisée par le Conseil National des Femmes du Luxembourg (@CNFL_LUX) et le Lobby européen des femmes (LEF - @EuropeanWomen), l’évènement s’inscrit dans la campagne « Ensemble pour une Europe libérée de la prostitution » et vise à apporter des éléments nouveaux dans le débat sur la prostitution au Luxembourg. Pour la Ministre de l’Egalité des chances Lydia Mutsch, qui a ouvert la soirée, la conférence a permis de casser le silence et le tabou autour du commerce du sexe.

Grâce à la diversité des interventions, les participant-e-s ont pu appréhender différentes facettes du système prostitutionnel :
-  La réalité vécue par les personnes prostituées : pour Rachel Moran, survivante, « Pénaliser les personnes qui exploitent autrui, et ne pas pénaliser les victimes : c’est ce que nous faisons dans tous les domaines de la société… sauf pour la prostitution. Il n’est pas juste de développer des politiques qui affectent les personnes prostituées dans leur offrir d’alternatives. La prostitution est une institution dommageable et violente qui doit être abolie. Seule le modèle nordique offre un système de justice sociale. Je ne crois pas que lorsqu’on banalise la prostitution, lorsqu’on dit aux hommes que les femmes sont à vendre, que cela les amènera à respecter les femmes. Les hommes savent exactement ce qui se passe dans la prostitution. » Rachel a créé un réseau de femmes survivantes, SPACE International, pour que leur voix soit entendue.
-  Le travail de la police suédoise, qui met en œuvre le modèle nordique qui vise à pénaliser l’achat d’un acte sexuel. Simon Häggström, de l’unité prostitution de Stockholm, a présenté la loi suédoise, les valeurs qui la sous-tendent (égalité, droits des femmes et des victimes, rôle de la demande) et les actions de la police pour réduire la demande et criminaliser les proxénètes. « Les clients ne font pas la différence entre les femmes victimes de traite et celles qui ‘choisiraient’ de se prostituer. La traite et la prostitution sont intimement liées. »
-  Le travail de la police allemande, dans un pays qui a normalisé la prostitution comme un travail. Helmut Sporer, de la brigade criminelle d’Augsburg, a démontré l’échec actuel de la politique allemande, qui a laissé les bordels et la traite se développer. « C’est un travail lié à beaucoup de violence et d’exploitation. Les femmes exploitées n’ont aucune voix et sont de plus en plus nombreuses. »
-  Le coût de la prostitution : Grégoire Théry a présenté les résultats de l’étude du Mouvement du Nid France ProstCost sur les différents coûts de la prostitution et la réalité en France. « Les personnes prostituées sont 4 fois plus nombreuses que la population générale à consommer des anxiolytiques, et 12 fois plus nombreuses à se suicider. Les coûts humains supportés par les personnes prostituées sont énormes, en plus des coûts pour la société (coûts de santé, de services sociaux, de police, de justice, etc.). Le chiffre d’affaires de la prostitution est de 3,2 milliards d’euros, venant de l’argent des clients, et une grande partie disparait en évasion fiscale. Nous voudrions voir des investissements en amont, dans la prévention et la lutte contre le proxénétisme et les clients, plutôt qu’autant d’argent perdu dans le traitement des dommages de la prostitution, pour les femmes comme pour la société. »
-  Le rôle des hommes : Patric Jean a présenté le réseau ZéroMacho, qui regroupe plus 1000 hommes engagés contre le système prostitutionnel. Il a rappelé que 80% des hommes ne sont pas clients prostitueurs, et que les hommes clients cherchent avant tout le pouvoir et la domination, dans un esprit de consommation. « Il n’y a pas de besoins incompressibles sexuels pour les hommes, il n’y a pas de droit des hommes à accéder au corps des femmes en payant. Nous sommes pour la liberté sexuelle, avec une éthique claire : nous voulons l’égalité dans la sexualité. »
-  La vision des associations de femmes : Pierrette Pape du Lobby européen des femmes a conclu en rappelant l’analyse féministe du système prostitutionnel, qui s’inscrit dans le continuum des violences masculines et constitue un obstacle à l’égalité femmes-hommes. En Europe, elle a montré l’échec des politiques actuelles qui ne veulent pas reconnaître le rôle fondamental de la demande de prostitution dans l’alimentation de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Elle a rappelé que l’Appel de Bruxelles « Ensemble pour une Europe libérée de la prostitution » propose un projet de société égalitaire et humaniste : « Un garçon qui grandit en Suède apprend qu’il ne peut pas acheter le corps d’une femme. Un garçon qui grandit aux Pays-Bas voit des femmes dans des vitrines à côté de chaussures ou d’autres produits de consommation. Il s’agit de savoir quelle société on veut construire. Tout est question de volonté politique d’agir, car des solutions existent, en Suède, Norvège, Islande, et bientôt France et Irlande. Nous espérons que le Luxembourg va s’inscrire dans cette dynamique, soutenue depuis février 2014 par le Parlement européen et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. »

Un échange avec la salle a permis de compléter les interventions, et d’entendre le positionnement de certains partis politiques luxembourgeois. La présidente du CNFL a rappelé la position du CNFL sur le système prostitutionnel, et la déception du CNFL quant au travail de la Plateforme prostitution au Luxembourg, qui, bien que placée sous le travail du Ministère de l’Egalité des chances, n’inclut pas de perspective de genre ni de vision d’égalité dans son travail.

La soirée s’est terminée en convivialité, avant les prochaines actions du CNFL à venir !

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