EWL press coverage

Clivage national et gauche/droite sur le congé de maternité

Par Sophie Petitjean

A l’approche du vote en session plénière, prévu le 20 octobre, sur la proposition de directive relative au congé de maternité, les avis des eurodéputés sont toujours aussi partagés. Dans les couloirs de l’hémicycle, on murmurait cependant que si le vote sur le congé de maternité aboutit, il ira en faveur d’un congé de maternité de 18 semaines et s’opposera à l’introduction d’un congé de paternité.
Mais tout pouvait encore basculer d’ici là, tant les oppositions étaient vives, comme on a pu le constater lors du débat organisé le 18 octobre à Strasbourg.

Les députés sont appelés à se prononcer sur le rapport de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM) qui préconise d’allonger la durée du congé de maternité de 14 à 20 semaines et d’introduire un congé de paternité de deux semaines, tous deux entièrement rémunérés. Mais les avis sur ces dispositions divergent en fonction des groupes politiques et selon les nationalités des députés (puisque la situation varie fortement d’un État membre à l’autre). Certains parlementaires pourraient dès lors bloquer le vote final si certaines dispositions – telle que l’introduction d’un congé de paternité, pour la délégation italienne - sont adoptées.

Pis, au vu du grand nombre d’amendements et de demandes de vote par division (plus d’une centaine), le président du PE pourrait choisir de renvoyer le dossier en commission parlementaire (article 162 du règlement intérieur du PE). Ce qui signifierait le deuxième renvoi de la proposition depuis la présentation par la Commission, en 2008.

UN CONGÉ DE PATERNITÉ TRÈS DISCUTÉ

A l’heure actuelle, il n’existe pas de législation au niveau communautaire sur le congé de paternité : l’Allemagne, le Luxembourg, l’Autriche et l’Irlande ne prévoient par exemple pas de congé spécifique pour le père. La commission FEMM a donc décidé d’introduire un congé de paternité de deux semaines, entièrement rémunéré, au cours de la période de congé de maternité. « La femme est souvent associée à la reproduction et l’homme à la production. Or, les pères, comme les mères, sont des travailleurs qui ont droit à un épanouissement professionnel et à suivre leur enfant dès la petite enfance », a déclaré la rapporteuse Edit Estrela (S&D, Portugal).
Les plus réfractaires s’insurgent contre l’amalgame : le congé de paternité n’a rien à faire dans une directive sur l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, déjà trop concentrée sur le congé de maternité. « C’était supposé être une directive sur la santé et la sécurité, pas une ingérence, ni un tueur d’emplois bureaucratique », s’indigne la députée britannique Marina Yannakoudakis (ECR).

Du côté de la Commission, on estime que l’introduction d’un congé de paternité « n’est conforme ni à l’objectif, ni à la base juridique ». Au nom de la commissaire Viviane Reding (droit, justice et citoyenneté), le commissaire Maros Sefcovic a indiqué que la Commission étudiait le bien-fondé d’un congé de paternité « afin de voir si nous devons envisager une initiative (séparée) en la matière ». Mais il a prévenu que la Commission maintiendrait sa proposition en faveur d’un congé de maternité d’une durée minimale de 18 semaines (voir repère).

CONGÉ DE MATERNITÉ : RÉMUNÉRÉ??

Malgré le soutien relatif des verts, de la gauche unitaire, des socialistes et des libéraux en faveur d’un congé de maternité de 20 semaines entièrement rémunéré, cette disposition semble compromise. Le PE s’oriente vers un congé de maternité de 18 semaines, comme l’a proposé la Commission (proposition soutenue par la commission de l’emploi et des affaires sociales).

Mais le flou règne encore sur le montant et la durée des prestations qui seront octroyées aux femmes durant cette période. La Commission propose une rémunération à 100 % pendant les six premières semaines et pendant le reste du congé, si possible, l’octroi complet du salaire (les Etats membres gardent la possibilité de fixer un plafond, qui ne peut être inférieur à celui prévu pour le congé de maladie). La commission parlementaire de l’emploi, elle, propose une rémunération à 100 % pendant toute la durée du congé.

La question de la rémunération est particulièrement sensible, surtout à la lumière de l’étude d’impact (commandée par le PE) sur les coûts et les bénéfices d’un allongement du congé de maternité. Celle-ci met en effet en garde : si les bénéfices sont indéniables au niveau de la santé, dans le pire des scénarios (soit un taux de remplacement de 30 %), les coûts annuels varieraient entre 0 (Estonie, Pologne) et 1?324 millions d’euros (Royaume-Uni). De quoi alerter les délégations nationales et les représentants des employeurs en Europe. « Le rapport d’Edit Estrela est très coûteux et pénible, particulièrement pour les entreprises. Cela rendra l’embauche des femmes plus complexe », avertit Philippe de Buck, directeur général de BusinessEurope (patrons européens).

Le Lobby européen des femmes (EWL) nuance : « dans 24 États membres sur 27, c’est l’État et non les employés qui assument les coûts d’un congé de maternité. (…) De même, selon un rapport de l’OCDE, les pays qui ont de longs congés de maternité rémunérés sont également ceux qui présentent les taux d’emploi les plus hauts ». Et la gauche de défendre l’investissement que cela représente pour l’avenir qui permettra, entre autres, de pallier le vieillissement démographique et d’atteindre les objectifs d’emploi fixés par la stratégie Europe 2020.

Repère

  • Octobre 2008 : la Commission soumet une proposition modifiant la directive sur le congé de maternité (92/85/CE). Vieille de 18 ans, cette dernière fixe un congé de maternité de minimum 14 semaines, sans aucune mesure contraignante en matière de prestations.
  • Mai 2009 : une majorité de députés demandent le report du vote en plénière (qui était prévu en mai 2009) « en raison de l’approche des élections ».
  • Février 2010 : les députés de la commission des droits de la femme adoptent, par 19 voix pour et 13 contre, le rapport d’Edite Estrela.
  • Mars 2010 : le vote en plénière est à nouveau reporté, dans l’attente d’une évaluation des coûts et des bénéfices d’un allongement du congé de maternité
  • Octobre 2010 : publication de l’étude d’impact?; le vote en plénière est prévu le 20 octobre

Latest video

EWL event "Progress towards a Europe free from all forms of male violence" to mark the 10th aniversary of the Istanbul Convention, 12 May 2021.

Facebook Feed

Get Involved