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Belgique - Négociations pour un gouvernement fédéral : les 10 recommandations du CFFB

[Bruxelles, le 14 octobre 2011] Alors que les négociations avancent et que l’on entrevoit la possibilité de former bientôt un gouvernement, et nous nous en félicitons, il est important pour le Conseil des Femmes Francophones de Belgique de rappeler les 10 recommandations prioritaires qu’il souhaite voir inscrire dans le futur accord du gouvernement. Car il s’agit malgré le contexte institutionnel difficile de défendre les droits des femmes, de les faire progresser afin que leur condition, encore souvent plus difficile sur le plan socio-économique et sur le plan des violences, ne soit pas oubliée.

Au minimum, nous demandons :

1. Que soient enfin pris les arrêtés nécessaires à une application de la loi du 12 janvier 2007 intégrant la dimension de genre dans l’ensemble des politiques au niveau fédéral. Il s’agit là de prendre réellement en compte les situations défavorables et les inégalités vécues par les femmes et les hommes et d’évaluer les impacts des mesures envisagées sur les personnes et sur l’égalité.
Concrètement, soutenir notamment le processus de gender budgeting et adopter le « test gender » permettant l’évaluation de l’impact de chaque projet d’acte législatif et réglementaire sur la situation respective des femmes et des hommes. Veiller aussi à garantir la production de statistiques ventilées par sexe et d’indicateurs de genre.

2. Ce qui nous amène à demander fermement que l’Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes (IEFH) reste un organe indépendant et que la compétence en matière d’égalité femme-homme ne soit pas intégrée 1 dans le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme où la spécificité des inégalités entre hommes et femmes serait noyée parmi d’autres discriminations. Le sexisme concerne certaines formes de discrimination, qui ne sont pas du ressort des lois antidiscrimination, mais qui correspondent plus subtilement à certains stéréotypes relatifs aux femmes et aux hommes. Ces formes subtiles, ne sont actuellement mentionnées dans aucune loi et ce, malgré les dommages qu’elles peuvent causer. C’est la raison pour laquelle le CFFB demande aussi une loi spécifique contre le sexisme à l’instar de la loi du 30 juillet 1981 contre le racisme et la xénophobie.

3. En matière de lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales, une application rigoureuse et obligatoire de la circulaire « Tolérance 0 » sur tout le territoire belge. De plus, en février 2006, lors d’une conférence interministérielle, les Ministres fédéraux, régionaux et communautaires ont adopté une définition unique des violences conjugales. Cette définition constitue depuis le cadre de référence des pouvoirs publics – tous niveaux confondus – en matière de violences conjugales. C’est pourquoi, nous rappelons la nécessité de coordonner l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de politiques à différents niveaux de compétences (judiciaires, sociales, éducatives, de santé) et l’établissement de statistiques fiables, tant dans le cadre policier que judiciaire, qui permettront de répondre à des sollicitations scientifiques (recherches) ou à des interrogations du monde politique. Par ailleurs, nous demandons également plus de moyens pour le nouveau plan d’action national contre les violences couvrant la période 2010-2014 puisqu’il a été étendu à d’autres formes de violences contre les femmes (mariages forcés, crimes dits « d’honneur », mutilations génitales).

4. Même si un progrès minime existe en Belgique, l’écart salarial entre les femmes et les hommes s’élève encore à 23% (bruts, en moyenne, temps partiels compris). C’est pourquoi nous demandons une réévaluation des fonctions assortie d’une réelle égalité des salaires entre hommes et femmes (cf loi du 10 mai 2007). Les emplois créés doivent donner accès à des revenus qui permettent aux femmes une réelle autonomie financière et des droits complets en matière de sécurité sociale. Nous demandons aussi que les pouvoirs publics ainsi que les employeurs, les syndicats, les écoles, les services d’orientation ou de formation professionnelles, etc… informent les travailleuses sur les conséquences de certaines orientations de carrière, choisies ou non (crédit-temps et temps partiel).

5. Pour le Service des Créances Alimentaires (SECAL), un relèvement du plafond 2 de revenus donnant droit à des avances sur pension alimentaire à 1800€ par mois et la suppression des frais à charge du créancier d’aliments (comme le propose Maya Detiège 3 , députée sp.a à la Chambre). Pour nous, cela constitue une étape intermédiaire vers une application totale de la loi du 21 février 2003 qui prévoyait l’octroi des avances sur les pensions alimentaires non payées sans conditions de revenus et pour tous les ayants droit (enfants comme conjoint-e-s).

6. Une évaluation de la loi de 2007 réformant le divorce. Cette évaluation devrait être particulièrement attentive aux impacts des nouvelles dispositions en matière de pension alimentaire sur les membres du ménage ayant de moindres revenus – une majorité de femmes. Mais elle devrait aussi s’intéresser au déroulement des procédures (choix, longueur, garde des enfants, séparation des biens, etc.), au traitement des cas dans lesquels sont invoquées des violences ou encore aux disparités d’application sur le territoire belge.

7. Entamer le processus d’individualisation des droits sociaux et fiscaux. Ce processus doit être progressif en commençant par les jeunes générations et sans atteinte aux droits acquis actuellement (cf le n° 2-2009 de la Revue Belge de Sécurité Sociale).
Nous demandons que le gouvernement s’engage à mettre sur pied un groupe de travail sur l’individualisation des droits en matière de sécurité sociale. Cette individualisation des droits assurerait une plus grande égalité de fait entre les femmes et les hommes et adapterait la sécurité sociale à l’évolution des modèles familiaux.

8. Un renforcement des pensions du 1er pilier plutôt que des systèmes des 2ème et 3ème piliers toujours défavorables aux femmes. De plus, des mesures doivent être instaurées dans le système des pensions afin de corriger les inégalités qui frappent les femmes tout au long de leur carrière, des inégalités qu’elles paient une seconde fois à l’âge de la pension. À la veille d’une probable réforme du système des pensions, il faut absolument tenir compte des importants écarts entre les pensions des hommes et celles des femmes, mais aussi des situations dans lesquelles les femmes dépendent totalement de la pension de leur conjoint.

9. Une réelle objectivation du calcul des pensions alimentaires. La loi du 19 mars 2010 « visant à promouvoir une objectivation du calcul des contributions alimentaires des père et mère au profit de leurs enfants » prévoyait la mise sur pied d’une commission chargée d’établir des recommandations pour mieux évaluer le calcul des contributions alimentaires, voire de proposer un mode de calcul qui pourrait ensuite être fixé par arrêté royal. Nous demandons d’accélérer la procédure afin que cette commission soit installée au plus vite.

10. Les droits des femmes sont de plus en plus soumis aux pressions de fondamentalismes réactionnaires et religieux. Ceci implique la restriction des droits sexuels et de santé reproductive, de l’autonomie, de la liberté des femmes, et de leur participation à la vie publique et économique et davantage de violence à l’encontre des femmes. C’est pourquoi nous demandons : des mesures garantissant que les organisations (nationales) de femmes puissent participer aux réunions internationales, aux conférences, aux sessions des comités en matière de droits humains, de statut de la femme et de questions de population et développement ; la création d’une ligne budgétaire pour les organisations nationales de femmes, afin de pouvoir financer leurs travaux et leurs projets relatifs aux droits humains et aux droits des femmes au niveau international; l’abrogation immédiate du statut consultatif des organes représentant les religions dans les forums internationaux (ONU, Conseil de l’Europe, …), tels que le Saint Siège, l’Organisation de la Conférence islamiste, etc. ; le financement d’une étude sur la nature des organisations non-gouvernementales accréditées, en vue d’identifier et d’écarter les organisations dont les vues, les prises de position ou les actions s’opposent au respect des droits humains, y compris les droits sexuels et reproductifs des femmes.

Au-delà de ces différentes recommandations et à la veille de l’élaboration du budget 2012, le CFFB tient à rappeler son refus que des restrictions budgétaires se fassent au détriment de celles et ceux qui sont déjà en difficulté. Or, nous savons par expérience combien ces politiques et les plans d’austérité (quels que soient leur nom et les objectifs qu’ils affichent) pèsent en priorité sur les personnes déjà les plus précarisées et sur les femmes en particulier. Nous resterons vigilantes pour que les 10 recommandations ci-dessus soient mises en œuvre et n’accepterons aucun retour en arrière par rapport aux droits des femmes.

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