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Osez le feminisme: Redoubler d’action en faveur de la dépénalisation de l’avortement dans le monde

(Paris, 27 septembre) A l’occasion du 28 septembre 2013 journée internationale d’action pour l’avortement sûr et légal, Osez le féminisme appelle la France à redoubler d’action en faveur de la dépénalisation de l’avortement dans le monde.
Chaque année dans le monde, 5 millions de femmes sont hospitalisées pour des complications sévères liées à des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses et 47 000 femmes en décèdent. Cela représente 13% de la mortalité maternelle dans le monde. Derrière ces chiffres insupportables se cache une amère réalité : 60 % de la population mondiale vit dans un pays où l’IVG est interdit ou fortement restreint.

Tant que l’avortement légal et médicalisé ne sera pas accessible à toutes, de nombreuses femmes continueront de s’exposer aux risques d’avortements clandestins à l’aide de méthodes dangereuses, au péril de leur santé et de leur vie.
Alors que l’Assemblée générale de l’ONU dédiée au bilan des objectifs du Millénaire pour le développement se déroule cette semaine, une part de la mortalité maternelle dans le monde continue d’être un angle mort des politiques internationales. Le droit à l’avortement, enjeu de santé et de dignité pour les femmes du monde entier, doit devenir une priorité internationale. Lors de la révision en 2014 du Plan d’action de l’ONU sur la santé et les droits sexuels et de la procréation, la communauté internationale doit reconnaître la nécessité de dépénaliser l’avortement.

Le droit à l’avortement est fondamental, pour toute fille et femme de la planète. Il doit être libre, gratuit et accessible à toutes. Pour ces raisons, le droit à l’avortement doit être reconnu comme droit inaliénable au sein des instances onusiennes.

Nous demandons la reconnaissance au sein de l’ONU du droit à l’avortement comme droit universel et inaliénable. Nous attendons de la France qu’elle agisse avec conviction dans l’année à venir en faveur de l’ensemble des droits sexuels et reproductifs dont l’avortement doit faire partie.

Faisons entendre la voix des femmes du monde entier, portons haut et fort cette exigence qui est la nôtre, celle de faire reconnaître que « notre corps nous appartient ! ».
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LA CAMPAGNE « MY BODY IS MINE » POUR LE DROIT A L’AVORTEMENT, POUR TOUTES, PARTOUT.

Le droit à disposer de son corps est un fondement historique et un acquis majeur de l’émancipation des femmes. Une minorité de pays ont légalisé l’avortement.
Dans les pays où ce droit est acquis, les obstacles sont de plus en plus nombreux et le rendent moins accessible. Si les situations sont contrastées, ces remises en cause touchent un grand nombre de pays. Le droit à l’avortement est un droit fragile.

La vague conservatrice des anti-choix s’organise. Le bloc des pays conservateurs (notamment Malte, le Vatican, l’Egypte, l’Iran) remet régulièrement en question les droits sexuels et reproductifs dans les grands textes internationaux. Partout dans le monde, les conservateurs et les mouvements religieux anti-choix se mobilisent fortement contre et exercent des pressions importantes sur les gouvernements. De leur côté, les pays progressistes relâchent leur vigilance.
Le contexte de crise austéritaire ajoute de nouveaux obstacles : fermeture des centres IVG, allongement des délais d’attente, faibles moyens alloués à l’information.

Un grand nombre de femmes subissent des pressions morales et psychologiques qui insinuent que l’avortement est forcément un traumatisme, qu’il est irresponsable, voire criminel.

Les organisations féministes se mobilisent activement pour la défense ou la légalisation de l’avortement, tant à l’échelle nationale qu’internationale. De nombreuses initiatives existent. Pour avoir plus de poids, le dialogue et la mise en réseau sont essentiels. Initiée par Osez le féminisme, la campagne My Body Is Mine ! veut participer à cette démarche en invitant principalement les jeunes féministes à poursuivre le combat de leurs aînées et à faire entendre leur voix.
Le 28 septembre 2012, une lettre ouverte de 300 féministes de plus de 70 pays était publiée afin de faire entendre les voix des féministes du monde entier qui se battent pour le droit à l’avortement dans leur pays et dans les instances internationales comme l’ONU.

Le 28 septembre 2013, nous insistons sur les méthodes dangereuses utilisées pour avorter dès lors que l’avortement est interdit

60 % de la population mondiale vit dans un pays où l’IVG est interdit ou fortement restreint.
Chaque année dans le monde, 5 millions de femmes sont hospitalisées pour des complications sévères liées à des avortements, et 47 000 femmes décèdent.
Les décès liés à des avortements clandestins représentent 13% de la mortalité maternelle à l’échelle mondiale.

M.A.L.I (mouvement alternatif pour les libertés individuelles) est un mouvement marocain de désobéissance civile qui se bat notamment pour la dépénalisation de l’avortement au Maroc. M.A.L.I a invité en octobre 2012 l’ONG néerlandaise "Women on Waves" et son bâteau-avortement afin de créer un buzz permettant d’ouvrir le débat, d’alerter sur les dangers de l’avortement clandestin et sur le droit d’avorter.

LA KOLECTIVA est une association féministe d’Equateur, dont le but est de prévenir les avortements et les grossesses non désirées en fournissant des informations aux femmes sur la façon de faire un avortement sans risque. Cette organisation s’efforce de fournir des informations sur les méthodes sûres d’avortement en diffusant l’information et en formant des jeunes militants et des militantes, en particulier dans les quartiers urbains défavorisés et les zones rurales.

Yfem est une association de jeunes féministes de Namibie, composée de jeunes femmes âgées de 16 à 30 ans de partout en Namibie - dans toutes leurs diversités de langue, d’origine ethnique, de lieu géographique, de classe, d’orientation sexuelle, d’éducation, etc. Yfem a été créée pour aider les jeunes féministes en Namibie à comprendre pourquoi les femmes (et les jeunes femmes en particulier) continuent d’être victimes de discrimination dans leurs communautés et dans le monde en dépit des lois et politiques existantes qui protègent les droits des femmes. La vision de ce mouvement est celle d’une société dans laquelle les jeunes femmes sont des leaders et jouissent du respect, de la dignité, de l’intégrité physique, de l’autonomie et du choix.

LES AVORTEMENTS A RISQUE DANS LE MONDE ETAT DES LIEUX DE L’AVORTEMENT A RISQUE

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) définit comme « avortement à risque » la procédure d’interruption d’une grossesse non voulue effectuée soit par des personnes n’ayant pas les compétences nécessaires, soit dans un contexte où les conditions sanitaires minimales n’existent pas, soit les deux.

L’accès à l’avortement peut être limité non seulement par des lois mais aussi par des obstacles économiques (coût élevé ou faible nombre des services de santé proposant des avortements notamment en zones rurales). Les femmes doivent également affronter les normes sociales ou religieuses qui condamnent l’avortement. Les attitudes et propos stigmatisants des personnels de santé ou l’invocation de la clause de conscience pour refuser de pratiquer un avortement sont autant de facteurs qui contribuent à la persistance des avortements clandestins.

DES METHODES DANGEREUSES

  • Les restrictions d’accès aux services d’interruption de grossesse, qu’elles soient d’ordre matériel, moral, culturel ou légal, expliquent la variété des méthodes supposées abortives dont l’efficacité n’est pas prouvée scientifiquement et qui reposent principalement sur des croyances populaires ou des savoirs incertains. Plusieurs techniques invasives peuvent être listées qui visent à provoquer l’expulsion du contenu utérin :
  • l’introduction d’objets solides et pointus dans l’utérus (aiguille à tricoter, sonde en métal, cintre, tige de persil, racines, cathéters, verre pilé…) ;
  • l’ingestion de substances toxiques (détergent, vinaigre, décoctions de plantes, surdosage de produits pharmaceutiques), voire leur injection dans le vagin (hormones, anti-paludéens) ;
  • les méthodes physiques externes (se jeter dans des escaliers, se faire rouer de coups) destinées à provoquer des contusions directes sur le ventre ;
  • enfin les méthodes basées sur des pratiques médicales mais réalisées sans aucune précaution sanitaire (par exemple l’utilisation de matériel stérile) ou sans les compétences médicales requises : curetage, dilatation.
  • Près de la moitié des avortements mondiaux sont à risque et presque tous (98%) ont lieu dans des pays en développement.
  • En 2008, les avortements à risque constituaient 97% des avortements en Afrique et 95% des avortements en Amérique latine.
  • Environ 215 millions de femmes dans les pays en développement n’ont pas accès à une contraception moderne.

Aucune de ces méthodes n’est sans danger. Les femmes peuvent y perdre leur capacité reproductive, leur santé ou leur vie. Ces méthodes provoquent couramment des perforations de l’utérus ou d’autres organes internes (lésions utérines, urinaires ou digestives par exemple), des hémorragies, des déchirures, des brûlures et des infections (septicémie). De plus, elles sont souvent sans effet sur la grossesse : si celle-ci se poursuit, le risque est grand que le nouveau-né développe des malformations. Enfin, il ne faut pas oublier les risques judiciaires : dans les pays où avorter est illégal, les femmes dont l’avortement est découvert peuvent être dénoncées (par des voisins ou des soignants par exemple) et doivent ensuite affronter la justice pénale.

Les avortements clandestins qui mettent en danger la santé et la vie des femmes pourraient être facilement évités par la dépénalisation de l’avortement. L’OMS confirme ainsi que là où l’avortement est légal, il est généralement sûr : le risque de décès par complications d’un avortement légal est inférieur à 1 pour 100 000 interventions. Alors que là où il est illégal, il est le plus souvent à risque : 47.000 femmes en meurent chaque année, faisant de l’avortement à risque l’une des principales causes de mortalité maternelle (13% des décès).

Tant que l’avortement légal et médicalisé ne sera pas accessible à toutes, de nombreuses femmes continueront de s’exposer aux risques d’avortements clandestins à l’aide de méthodes dangereuses pour leur santé et leur vie.

FOCUS SUR QUELQUES PAYS - LE CHILI

Le Chili est l’un des six pays au monde à interdire complètement l’avortement, même si la vie de la femme enceinte est mise en danger par la grossesse. Cela n’a pas toujours été le cas : l’avortement thérapeutique a existé entre 1931 et 1989, année où la dictature d’Augusto Pinochet a finalement révoqué l’article de loi.
Malgré la pénalisation, 160.000 femmes avortent tous les ans au Chili, dans la plus complète clandestinité. Jusqu’à il y a peu, les méthodes les plus utilisées étaient l’introduction d’une sonde médicale, de tiges de persil ou d’aiguilles à tricoter, ce qui pouvait provoquer de graves infections menant rapidement à une septicémie ou des perforations d’organes.

Ces dernières années, le misoprostol, un anti-ulcéreux qui provoque des contractions (et est utilisé en complément de la RU-486 dans les pays où l’avortement est légal) a remplacé les méthodes plus dangereuses. Si cette méthode provoque moins d’infections, elle peut cependant être source d’hémorragies.

En juillet 2013, le cas de la petite « Belén », une fillette de 11 ans enceinte à la suite de viols commis par son beau-père, a rouvert le débat sur la dépénalisation de l’avortement. Malgré la pression d’organisations féministes, l’enfant n’a pas pu avorter.

L’ex-présidente Michelle Bachelet, candidate de la coalition de gauche et favorite dans les sondages pour les élections de novembre, a promis que si elle est élue, elle présentera un projet de loi pour dépénaliser l’avortement thérapeutique (en cas de danger pour la femme enceinte, de malformation graves du foetus rendant impossible la vie hors de l’utérus et en cas de viol).

L’INDONESIE

En Indonésie, depuis 2009, la loi n’autorise l’avortement que pour des raisons médicales (si la femme est malade ou si le foetus met sa vie en danger par exemple), dans les autres cas, il est toujours considéré comme un acte criminel. Toute personne qui a recours à l’avortement pour d’autres raisons peut être punie d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 10 ans de réclusion ou d’une amende pouvant atteindre un milliard de roupies (environ 105 000 $ US).
De plus, les avortements ne peuvent être effectués qu’avant la sixième semaine de grossesse et seules les femmes mariées en échec de contraception ont le droit d’avorter. Les femmes célibataires sont totalement ignorées par la loi. Les femmes mariées doivent obtenir la permission de leur mari, excepté dans le cas d’un viol. Elles doivent présenter leurs cartes d’identité et de membre du planning familial dans l’une des six cliniques autorisées, présentes uniquement dans les plus grandes villes d’Indonésie.

En résumé, la loi est tellement restrictive qu’elle rend l’avortement impossible dans la plupart des cas. L’avortement clandestin cause chaque année la mort d’environ 12% des femmes qui l’ont pratiqué. Les femmes n’ont d’autre choix que de se rendre chez un guérisseur ou d’aller dans une clinique privée ou chez un médecin risquant lui-même sa vie et sa carrière. Ces avortements ont lieu dans des conditions déplorables et ont un coût terriblement élevé.

Des initiatives sont prises pour informer et changer les mentalités. Citons l’exemple d’Inna Hudaya, la rédactrice du site Internet « Ask Inna » (http://www.askinna.com) et la fondatrice de SAMSARA (http://www.samsara.or.id), un organisme qui se consacre à l’éducation concernant l’avortement dans le contexte de la sexualité, de la santé, des droits relatifs à la procréation et à l’égalité homme-femme.

L’IRLANDE

L’Irlande a adopté le 12 juillet dernier une loi très restrictive concernant l’avortement. Celui-ci, totalement illégal précédemment, est désormais autorisé uniquement dans le cas où la poursuite de la grossesse fait courir à la mère « un risque réel et substantiel » pour sa vie, risque qui doit être certifié par les médecins.

Ce texte s’est heurté à une très vive opposition dans ce pays à forte connotation catholique, mais il a finalement été adopté par le parlement par 127 députés contre 31 après des discussions marathons sur 165 amendements.
Le décès en octobre 2012 d’une jeune femme, Savita Hallapanavar, suite au refus par l’équipe médicale de pratiquer une IVG après une fausse couche à 17 semaines de grossesse avait suscité une mobilisation mondiale en faveur de la dépénalisation de l’avortement en Irlande.

LA POLOGNE

L’avortement était légal en Pologne pendant la période soviétique. Il était alors accessible et gratuit dans les hôpitaux publics. Pendant cette période et avant la légalisation d’avortement en Suède, de nombreuses suédoises traversaient la mer Baltique pour avorter en Pologne.

Au début des années 90, des groupes sociaux liés à l’église catholique lancent une campagne contre l’avortement. En 1992, une première loi est adoptée, qui limite fortement les avortements. A cette période, l’église catholique commence à avoir un poids et un pouvoir grandissant dans la société. La religion devient obligatoire à l’école et on y projette le film « silent cry » (un film qui montre le « vrai visage » des avortements) dans les salles de classe. Bien que les opposants aux lois anti-avortement collectent à cette période 1,5 millions de signatures, le gouvernement reste absolument silencieux.

Depuis 1997, la situation reste inchangée. Il n’est possible d’avorter qu’en cas de viol, de danger pour la vie de la femme et en cas de malformation du foetus. Mais il est très difficile de prouver l’un ou l’autre de ces motifs et de nombreux médecins refusent de s’y engager.

Une loi encore plus restrictive sera présentée au parlement polonais le 26 septembre 2013. Celle-ci prévoit d’interdire l’avortement en cas de malformation du foetus.

LE MAROC

Les articles 449 à 458 du Code Pénal marocain condamnent toute femme ayant recours à l’avortement ou qui tente de le faire, ainsi que toute personne l’aidant ou l’encourageant, médecins compris.

On estime à environ 800 le nombre d’avortements clandestins par jour au Maroc. Les femmes les plus victimes de cette clandestinité ont un statut socio-économique faible et doivent souvent avoir recours à des méthodes à risque dans des conditions sanitaires déplorables et insalubres (utilisation de produits chimiques, introduction d’objets pointus dans l’utérus, etc.). Ces méthodes ont des conséquences souvent dramatiques (stérilité, infections, hémorragies, déchirures des parois de l’utérus et parfois la mort).

Certaines voix associatives et féministes s’élèvent afin d’aboutir à une dépénalisation partielle de l’avortement au Maroc. Des mouvements militants comme le Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (M.A.L.I) se battent quand à eux pour une dépénalisation totale et prennent des risques réels en militant. M.A.L.I a, par exemple, invité en octobre 2012 l’ONG néerlandaise "Women on Waves" et son bateau-avortement afin d’alerter sur les dangers de l’avortement clandestin et exiger le droit d’avorter.

TEMOIGNAGES

T., CHILIENNE, 54 ANS :
« Je suis arrivée avec une hémorragie à l’hôpital. J’avais pris des tonnes de cochonneries : des plantes, des médicaments, et même des piqûres. J’ai même essayé de forcer sur le ventre. Le docteur et les infirmières se sont rendu compte tout de suite que j’avais avorté, et ils m’ont fait un curetage à vif, « pour que tu ne t’habitues pas, assassine », ils me disaient. La douleur était si forte que je criais et je demandais une anesthésie, mais ils me faisaient taire en me disant : « Ça ne t’a pas plu, de tuer ton enfant».

E., CHILIENNE, 42 ANS:
« Je m’étais fait enlever le stérilet et je prenais la pilule, mais comme je n’avais pas d’argent, je n’avais pas de pilule. La nouvelle [de ma grossesse] m’a angoissée, et quand je l’ai raconté [à mon compagnon] il a eu peur. Il était très jeune et il ne savait pas comment affronter la situation. Je me suis retrouvée seule. (…) Des vieilles que j’avais connues à l’épicerie m’ont parlé d’avortement. Elles avaient avorté à leur époque. Elles s’étaient introduit des bâtonnets, des tiges de persil, elles avaient pris des breuvages de bière bouillie avec des aspirines. Je leur ai dit que ces méthodes me paraissaient terribles, et alors elles m’ont parlé du misoprostol, qu’elles pouvaient m’obtenir.

Je me souviens que je l’ai pris, et le lendemain, j’ai expulsé quelque chose. Ça sentait très fort le poisson et un liquide verdâtre sortait. Je suis arrivée à l’hôpital avec de la fièvre et des convulsions. (…) [Un médecin] s’est mis à crier : « Cette salope a dû avorter. » C’était terrible, car il parlait de moi comme si je ne l’écoutais pas, et il me disait : « Tu as utilisé un fil de fer, salope ? On va te mettre en prison. » (…) Ils m’ont fait un curetage, et comme j’avais des convulsions et que je tremblais, mes jambes se refermaient, et il me les rouvrait brusquement en disant : « C’est maintenant que tu fermes les jambes !»

M., MAROCAINE, 25 ANS
« ll y a 4 ans, j’avais 21 ans. Mariée, en instance de divorce, mon mari avait refait sa vie, et je venais de rencontrer quelqu’un. Lorsque mon mari l’apprend, il m’envoie au tribunal pour adultère. Sans véritable preuve, je me retrouve en prison à Casablanca pour quelques jours, jusqu’à ce qu’il retire sa plainte, m’évitant quelques années à l’ombre. A peine sortie de cet épisode traumatisant, je me rends compte que je suis enceinte de 3 mois de mon « amant ». Ma gynéco, à Rabat, refuse de me faire avorter pour deux raisons : on est à 3 mois de grossesse et elle a peur que mon mari la dénonce. Désemparée, je demande de l’aide dans mon quartier. Une voisine m’envoie chez un gynéco, toujours à Rabat. Il accepte de me prendre. Ce ne sera pas tout à fait dans son cabinet. Derrière la salle d’attente, une petite porte mène au reste de l’appartement. L’avortement se fera là, clandestinement, dans la cuisine, sur une chaise de jardin en plastique qu’il a trafiquée. Il m’attache les bras, et m’anesthésie totalement. Je me réveille dans la chambre de l’appartement, qu’il a transformée en salon marocain, où 3 autres femmes sont encore endormies. J’ai une demi heure pour me réveiller, pas plus. Quoiqu’il arrive, au bout de 30 minutes, je dois être partie. 4000 DH (400€). Je rentre chez moi, ma mère me trouve pâle et s’inquiète, jusqu’à ce que j’inonde le canapé beige de sang. Elle appelle en panique ma gynéco, et je me retrouve dans une clinique huppée de Rabat pour mettre fin à l’hémorragie. Celui qui m’avait avortée n’avait enlevé que l’embryon, pas la poche. Quelques heures plus tard, je me réveille, on m’avait mise sous perfusion pendant l’opération car j’avais perdu trop de sang. 6000 DH (600€). La gynéco a hurlé sur ma mère, or je ne pouvais ni ne voulais garder cet enfant. »

M., MALIENNE, 23 ANS

« En 2006 notre charmante et joyeuse aide ménagère est décédée dans ma chambre suite à un avortement clandestin. Elle avait avalé des plaquettes de médicaments avec un liquide bleu qu’on utilise pour donner un éclat bleu aux habits. C’est son amie qui le lui avait conseillé. Quand je l’ai trouvée dans ma chambre, elle était vraiment mal et appelait à l’aide. Mes parents l’on amenée à l’hôpital et malgré tous les efforts elle n’a pas survécue. Avec l’insistance de ma famille, sa soeur à avoué "Cet enfant allait gâcher sa vie, les parents n’allaient plus vouloir d’elle et tous les autres allaient la renier".

Des centaines de filles avortent de façon clandestine tous les jours, il y a des séquelles mais personne n’en parle, jamais, parce que ça ne fait pas partie des sujets de discussion. Mais cette jeune femme m’a dit: " il est venu d’une autre ville et s’est fait connaître comme tradi- thérapeute et les gens allaient le voir pour avorter car c’était le meilleur des alentours. Nous étions une vingtaine le jour ou j’y suis allée avec ma mère, j’avais sali l’honneur de la famille et il fallait réparer ça. »

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