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Belgique - inquiétude des associations de femmes quant aux propositions de loi sur la ’légalisation’ de la prostitution

[Bruxelles, le 14 décembre 2012] Le Lobby européen des femmes (LEF) est inquiet d’apprendre que l’un des principaux partis politiques francophones de Belgique, le MR, a déposé une proposition de loi visant à donner un statut social d’indépendant-e-s aux personnes affectées par la prostitution. Une telle initiative s’inscrit dans une démarche réglementariste en matière de prostitution et se rapproche de la politique menée par les Pays-Bas depuis plus de dix ans. Ce sont d’ailleurs les résultats de cette politique, ainsi que ceux du modèle suédois, approche opposée au modèle néerlandais dans sa philosophie et ses mesures, qui étaient discutés au Parlement européen il y a une semaine, lors d’une conférence européenne organisée par le LEF.

Invitée à la conférence du LEF pour présenter le modèle néerlandais, la chercheuse Machteld Boot-Matthijssen, du bureau de la Rapporteure nationale néerlandaise sur la traite des êtres humains, a expliqué que le raisonnement derrière le modèle néerlandais était de décriminaliser l’exploitation de la prostitution et de réglementer la prostitution comme un métier, dans le but de permettre à l’Etat de mieux contrôler le secteur légal et d’améliorer la lutte contre le trafic des êtres humains. On se rapproche des motifs de la proposition MR, qui voudrait voir les prostituées ‘libres’ se déclarer. Or, Mme boot-Matthijssen a elle-même signalé qu’après dix années de réglementarisme, les Pays-Bas ont constaté d’importants cas notoires de traite à des fins d’exploitation sexuelle, montrant qu’une exploitation largement répandue peut aussi avoir lieu dans le secteur de la prostitution légale. Une étude de 2008 réalisée par les Services de Police Nationale et intitulée « Préserver les apparences » (1), a révélé que de 50 à 90% des personnes prostituées dans l’industrie légale sont forcées à le faire. Un rapport de la même année, mené conjointement par la Ville d’Amsterdam et le Ministère de la Justice (2), a aussi montré qu’une partie considérable du secteur légal de l’industrie du sexe n’échappait pas à l’exploitation et à la traite des êtres humains. Ainsi, la moitié des « licences d’exploitation » de lieux de prostitution ou de coffee shops (marijuana) sont détenues par un ou plusieurs entrepreneurs déjà condamnés par la justice.

Au regard de ce constat, il est très étonnant que le MR prône la réglementation, à moins de ne pas connaître la réalité de la prostitution. Dans son intervention la semaine dernière lors de la conférence du LEF, la Vice-Première Ministre Joëlle Milquet a rappelé les chiffres issues de la toute récente étude de la police fédérale : « En Belgique, selon un rapport de la police, on estime le nombre de prostituées à 23 000. Parmi celles-ci, 80% (soit 18.500 prostituées) seraient victimes d’exploitation. Par ailleurs, 10% de ces victimes se trouveraient dans une situation d’exploitation grave (violences physiques et/ou sexuelles) ».

Selon l’article du Soir, « les réformateurs souhaitent porter « sans jugement moral » ce débat social et politique au sein de la Haute assemblée, afin de dépasser « l’hypocrisie, le laxisme et la tolérance » de mise à l’égard de la pratique actuelle en Belgique. » Le LEF tient à rappeler que toute politique publique est porteuse d’une moralité, car elle vise à gérer le vivre-ensemble. En demandant l’abolition de la prostitution, ce sont des valeurs de dignité humaine, d’égalité femmes-hommes, de refus de la violence qui sont mises en avant. Un projet de société qui amène à banaliser un phénomène qui s’alimente de rapports sexuels imposés sous la contrainte de l’argent, ne peut pas se fonder sur des valeurs porteuses et progressistes, à moins d’estimer qu’il n’y a plus de respect et d’égalité entre les personnes.

Que le MR se préoccupe du proxénétisme et demande un renforcement des politiques de lutte contre ce phénomène est une très bonne chose. Mais oublier de penser la prostitution comme un système, comme un marché qui n’existe que par sa demande, c’est légitimer le droit des hommes à continuer de s’approprier le corps et la sexualité des femmes, c’est ouvrir la porte au crime organisé (comme le montre la situation aux Pays-Bas), et c’est donner un signal politique fort entérinant les inégalités femmes-hommes. La Belgique doit sortir de son pragmatisme conservateur et proposer une vraie politique progressiste, vers un vivre-ensemble fondé sur le respect et la non-violence.

Sources :

1- KLPD (Korps Landelijke Politiediensten) – Dienst Nationale Recherche (juli 2008). Schone schijn, de signalering van mensenhandel in de vergunde prostitutiesector. Driebergen.

2- Gemeente Amsterdam, Ministerie van Veiligheid en Justitie; Projectgroep Emergo (2011). Emergo – De gezamenlijke aanpak van de zware (georganiseerde) misdaad in het hart van Amsterdam. Achtergronden, ontwikkelingen, perspectieven. Amsterdam: Boom Juridische Uitgevers.

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