Nouvelles du LEF

Bilan du séminaire du LEF sur les hommes et le féminisme : de nouvelles pistes de réflexion pour les mouvements de femmes

[Bruxelles, le 28 Octobre 2011] C’est au travers d’un séminaire mêlant chercheur-se-s et militant-e-s, que le Lobby européen des femmes (LEF) a décidé de se pencher sur la question des hommes (pro-)féministes et de leur rôle dans le mouvement féministe et l’élaboration des nouvelles politiques publiques d’égalité.

Samedi 22 octobre 2011, plus de 90 personnes ont pu profiter de l’expertise et l’expérience des invité-e-s du LEF à Bruxelles. Sous le titre ’L’autre moitié du genre – Masculinités et rôle des hommes vers l’égalité’, les interventions ont soulevé de nombreuses questions pertinentes, indispensables pour le mouvement des femmes et ses actions vers la réalisation de l’égalité femmes-hommes en Europe. Une bouffée d’air frais pour les membres du LEF, qui ont pu ainsi prendre le temps de réfléchir à leur expérience, de partager des vécus et de repartir dans leur pays avec une meilleure appréhension de la question du rôle des hommes vers l’égalité.

Les hommes peuvent-ils parler pour les femmes ?

Cette question simple, dont la réponse peut sembler évidente, reflète un certain nombre d’interrogations fondamentales pour les associations et militantes féministes. Valérie Lootvoet, directrice de l’Université des femmes en Belgique, a apporté plusieurs éléments de réponses, basées sur les recherches d’hommes et femmes engagé-e-s : si les hommes peuvent comprendre la domination masculine et tenter de la combattre au quotidien ou au travers d’un engagement militant, peuvent-ils cependant réellement s’impliquer dans les mouvements de femmes sans reproduire les schémas structurels du patriarcat ou en profiter ? L’exemple est ainsi donné de l’image très positive dont bénéficient ces hommes qui affichent leur féminisme, tandis que les femmes continuent de connaître mépris ou indifférence lorsqu’elles prétendent à l’égalité.

Il semble donc important, autant pour les femmes que pour les hommes (pro-)féministes, qu’ils/elles soient chercheur-se-s ou militant-e-s, de se rendre compte de cette situation et de prendre du recul de manière constante, afin de tester et vérifier la solidité des engagements et le féminisme des projets. Un aller-retour permanent doit s’installer entre la réalité des femmes et des mouvements de femmes, et les interventions publiques des hommes (pro-)féministes, pour éviter le risque d’une prise de pouvoir ou d’un détournement des revendications fondamentales du féminisme.

Les interventions de Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, tous deux chercheur-se-s à l’Université du Québec à Montréal, ont ensuite permis d’identifier les arguments rétrogrades développés par certains hommes et groupes d’hommes en réponse aux avancées obtenues grâce au mouvement féministe ces 40 dernières années. Ces discours masculinistes, portés par un mouvement d’hommes antiféministes, revendiquent le retour à l’ordre ’naturel’ entre les sexes et accusent les féministes des différentes crises de la masculinité que connaîtraient les hommes. Au travers d’une étude portant sur les associations et féministes québécoises, les participant-e-s ont pu découvrir la diversité des attaques antiféministes et leur impact sur les militantes, amenées à réduire leurs revendications et actions par anticipation de menaces, mises en demeure, perturbations d’événements, ou autres formes de violence verbale, physique ou symbolique.

L’apport des intervenant-e-s québécois-es est crucial car il permet de mieux identifier les attaques antiféministes et d’inciter les associations et militantes féministes à développer des réactions pour maintenir leurs actions et leurs revendications. Il donne également des clés plus qu’utiles pour rester vigilantes par rapport à la nouvelle génération de politiques d’égalité, basée sur un modèle ’gagnant-gagnant’ pour les hommes et les femmes.

La nouvelle génération de politiques d’égalité est-elle antiféministe ?

La question peut paraître abrupte, mais elle vaut la peine d’être posée, si l’on s’attarde sur les exemples présentés en introduction du séminaire par Pierrette Pape, Chargée de politiques et coordinatrice de projets au LEF : la stratégie pour l’égalité de la Commission européenne, au titre des mesures pour combattre les stéréotypes, ne donne en exemples que des situations de discrimination envers les hommes et les garçons.

La présentation par Jouni Varanka, ancien expert pour l’Unité Egalité Femmes-Hommes du ministère finlandais pour les affaires sociales et la santé, de la politique d’égalité finlandaise, semble corroborer les craintes exposées ci-dessus : la nouvelle politique finlandaise cherche à démontrer aux hommes les avantages qu’ils peuvent retirer des mesures d’égalité femmes-hommes, et s’intéresse pour cela à de nouvelles thématiques qu’on pourrait croire soufflées par les masculinistes : quid de l’absentéisme des garçons à l’école ? Quid des violences faites aux hommes ? Si cette nouvelle approche des politiques d’égalité permet en effet d’obtenir plus de soutien de la part des hommes, son contenu pose cependant problème en termes de revendications féministes : faut-il sacrifier l’analyse structurelle sociétale pour obtenir l’accord des hommes à évoluer vers plus d’égalité ? Quel type d’égalité sommes-nous en train de mettre en place ? Peut-on réellement parler de processus ’gagnant-gagnant’ si les préoccupations des hommes, dominants dans notre société, sont prises en compte à égalité avec les préoccupations des femmes ?

Tomas Wetterberg, fondateur de l’ONG Men for Gender Equality en Suède, a utilisé son exemple personnel pour expliquer comment des hommes peuvent s’investir pour l’égalité femmes-hommes, et même créer des structures militantes ou de recherche pour aider à éradiquer la domination masculine. En se basant sur les recherches portant sur les masculinités, il a montré que de nombreux hommes réfutent les modèles traditionnels de masculinité et souhaitent construire de nouvelles relations aux femmes, tout en développant de nouveaux modèles pour les jeunes hommes. Matt McCormack Evans a pu ensuite présenter sa propre expérience qui l’a amené à créer le projet Anti-Porn Men au Royaume-Uni. Il a profité de son intervention pour donner sa vision de ce que le mouvement féministe aurait à gagner à inclure les hommes et travailler avec eux.

Autant d’exemples de beaux projets qui impliquent directement des hommes engagés à déconstruire les modèles de masculinités actuels et à construire une société égalitaire. Plusieurs projets portés par des hommes ont en particulier choisi de toucher à la question des violences faites aux femmes, et de dégager des modèles d’intervention ou de prévention auprès des jeunes, afin de déconstruire les stéréotypes sexués et les attentes de la société en matière de rôle pour garçons et filles.

Une vigilance à maintenir autant envers les hommes (pro-)féministes qu’envers les politiques publiques

De ces interventions, on retiendra qu’il faut maintenir une vigilance constante pour identifier les demandes masculinistes autant dans les politiques publiques que dans les actions d’hommes (pro-)féministes. S’il est intéressant de voir chercheur-se-s et militant-e-s se pencher sur la question des masculinités et de la place des hommes dans les mouvements de femmes, il reste cependant essentiel de continuer à défendre des actions féministes fortes, qui mettent en avant la domination structurelle dont souffrent les femmes. La collaboration avec les hommes ne pourra s’avérer fructueuse que si elle se base sur cette exigence.

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